Cultiver notre différence quand tous nous rassemble

D’aussi loin que je m’en souviens, on nous a toujours appelé “les jujus”, mon frère et moi. La famille, l’entourage, les adultes autour de nous, parfois même les enfants.
Petits, nous nous ressemblions tellement que personne n’ignorait notre gémellité. Et comme on était toujours fourré ensemble de toute façon, ce n’était même pas une question. Qui connaissait mon frère, me connaissait, et qui me connaissait, connaissait mon frère. Aux yeux des autres, on formait un clan, le clan des jujus.
Notre lien unique
Notre ressemblance (malgré notre différence de sexe) captivait les gens, notre lien fascinait autant qu’il suscitait de l’envie, car ça se voyait, à 2 on est plus fort. À 2, on se console, on se soutient, on s’encourage, on se comprend. On se comprend parce qu’on a le même âge, les mêmes problèmes, les mêmes amis, les mêmes vies!
J’ai passé les 14 premières années de ma vie, “collée” à mon frère. On était dans le ventre de ma mère ensemble, à la crèche ensemble, on était malade ensemble, on allait à l’école et on rentrait de l’école ensemble, on jouait ensemble, on allait en colonie de vacances ensemble, on mangeait ensemble, on se chamaillait ensemble. On faisait tout ensemble.
Sur la plupart des photos de mon enfance, je suis en présence de mon frère. Je n’ai que de rares photos où je suis seule. Et encore plus rare, des photos avec mon grand frère (de 2 ans mon aîné).
Pourtant, mes parents ont toujours tenus à cultiver notre différence. Bien sûr, il y a des aspects qu’on ne contrôle pas. Nous sommes tous les 2 gauchers, nous sommes tous les 2 blonds aux yeux bleus, nous faisions tous les 2 la même taille, jusqu’à l’adolescence. Nous étions tous les 2 des enfants plein de vie qui traversaient les mêmes étapes de vie … mais pour ce qui est du reste, mes parents ont fait en sorte de respecter notre individualité, et je les en remercie.
Cultiver notre différence: notre force
Nos parents nous ont mis dans des classes séparées, quand c’était possible (pour éviter les comparaisons scolaires), ils ont laissé à chacun de nous choisir la déco de nos chambres (à 6 ans, quand nous avons déménagé et que nous pouvions avoir une chambre par enfant). Ils nous ont inscrit à différentes activités sportives. Et ils nous habillaient différemment (les seules fois où nous étions assortis – mais pas à l’identique, une jupe pour moi, une salopette pour mon frère – c’était pour la fête des jumeaux, où nous nous rendions 1 fois par an, pour rencontrer d’autres familles de jumeaux). Nos parents nous faisaient remarquer nos différences (sans jamais les juger).

C’est vrai que nos caractères sont très différents ! Presque opposés même. Mon frère à toujours été très ordonné (pour ne pas dire “maniaque”), moi j’ai toujours été très désorganisée (pour ne pas dire bordélique). Mon frère a toujours été très économe, j’ai toujours été très dépensière. Il a toujours été très sportif, j’ai toujours été très scolaire, il est plutôt introverti, je suis plutôt extravertie. Ces différences, on en a fait notre force dans notre duo. Une sorte de complémentarité.
Nous, jumeaux
Je me souviens que chaque fin de mois, avant qu’on ait un peu d’argent de poche, mon frère organisait dans sa chambre un “repartage” : il me disait de mettre les pièces qui me restaient par terre (il devait me rester quelques francs mais pas grand chose à chaque fois). Lui mettait toutes ses pièces par terre (il n’avait rien dépensé donc il avait BEAUCOUP de pièces). Il mélangeait et redistribuait: moitié pour lui, moitié pour moi. Grosso-modo, il partageait son argent de poche avec moi. Sans que je ne lui demande rien. Moi, les soirs, je faisais ses devoirs pour lui pendant qu’il faisait du basket 🏀 dans sa chambre. Sans qu’il ne me demande rien non plus.
À la recré, quand il se disputait avec quelqu’un, je courais le réconforter, quand je me disputais avec une copine, il me consolait. En colonie de vacances, il comptait les jours pour rentrer à la maison, moi (qui contrairement à lui adorait les colonies) je m’éclatais et j’essayais d’être présente pour le faire participer aux activités que je faisais.

Tic et tac. On a appris très tôt à cultiver notre différence, sans en faire des points de compétition. Trouver sa propre place au sein de ce duo, sans empiéter sur la place de l’autre, sans se sentir moins que l’autre ou se confondre avec l’autre. C’est ça la force de la gémellité. Et je pense que mes parents nous ont grandement aidé dans ce chemin.
Avoir un frère jumeau fait parti de moi, de mon histoire, de ma personnalité. Mais ça ne m’a pas empêcher d’affirmer ma personnalité, mes goûts, mes choix.
Chloée F.
Pour en savoir plus sur Chloée: @thecoolmama.club