Le RGO de mes jumelles: un défi de tous les instants
Je m’appelle Meryl, j’ai 29 ans. Nous avons donné naissance à Leyna et Norah, nos jumelles, un merveilleux 13 septembre 2022. Et si le chiffre 13 effraie certain, pour nous, il est rebondissant et revient très souvent dans notre vie.

J’ai senti, depuis le début, que ma grossesse allait être rude. J’étais très malade mais je ne disais rien. Nous avions passé des vacances dans le sud et en Andorre en plein hiver où j’avais fini un soir par m’enfermer dans la salle de bain de l’hôtel. J’essayais de trouver toutes les solutions pour soulager mes douleurs dorsales, abdominales, mes vomissements et mes aigreurs. Au retour de ces vacances, nous perdons notre chaton. Et on nous annonce 24h après qu’on attendait des jumeaux. WOUAH.
Des jumeaux, c’est enchainer beaucoup de consultations dont une en génétique pour vérifier la présence du gène de la mucoviscidose, déjà présente dans la famille. Un long mois à attendre après avoir déjà attendu 1 mois pour le DPNI (test sanguin pour détecter la trisomie 21). On nous parle d’IMG (Interruption Médicale de Grossesse) à 6 mois et demi de grossesse, le temps d’avoir tous les résultats. S’ajoutent à cela les amniocentèses à programmer, si le gène est présent. Et pour lequel de nos bébés ? Les deux peut-être.
On me demandait souvent ce que ça faisait d’en sentir deux, de faire grandir deux petits êtres en même temps. Mais je n’en savais rien. C’était ma première grossesse. Comment comparer cela à une grossesse de singleton? De plus, nous attendions toujours les résultats. Parfois, je refusais de me projeter.

Quatre mois et demi de grossesse, mon ventre s’arrondit enfin. On décide de l’annoncer à la famille, tant pis pour la mucoviscidose. Heureusement, cela nous portera chance, tout les examens seront négatifs.
L’été caniculaire avance. Les incendies dans notre région entourent notre maison, brûlent la forêt où j’imaginais mes enfants grandir. Vient un matin où je ne supporte plus les fumées toxiques et je sens que quelque chose ne va pas. C’est la première MAP (Menace dAccouchement Précoce) puis une seconde deux semaines et demi après.
Je tiens finalement bon jusqu’à 39 SA afin d’accoucher dans l’hôpital qu’on avait choisi. Mais je me rends compte que je viens de vivre 8 mois et demi déjà très stressants. C’était sans compter ce qui allait suivre.
Mon combat pour mes jumelles contre le RGO
Leyna et Norah arrivent dans de très bonnes conditions, mais dès les premiers jours, nous voyons déjà les effets néfastes d’un reflux qui les gène. Elles ne dorment pas, mais surtout ne mangent pas. L’allaitement est impossible malgré 3 jours d’essai nuit et jour, les positions leur sont inconfortables, elles ne tètent pas, même verticalisées.
C’était le début d’un autre combat. Le deuil de mon allaitement aussi. Mais surtout, il fallait réussir à faire entendre à plusieurs pédiatres que non, tout n’allait pas bien chez nos filles. Nos jumelles qui ne mangent pas et vomissent tout, s’étouffent sur le dos et hurlent. J’en prenais une pour la soulager et c’était la seconde qui souffrait. On aura tout entendu pour trouver la cause: une grossesse stressante, un baby blues, le lait infantile, une allergie, et la pire de toutes, « vous madame ». On m’aura accusé de ne pas prendre assez souvent mes bébés dans les bras pour les verticaliser et les aider à ne pas avoir de reflux. Mon mari ayant repris le travail à ce moment-là , seule, j’ai longtemps rêvé qu’une autre paire de bras me pousse.
Les filles ont 2 mois et demi, nous changeons de pédiatre. Et miracle! On acquiesce enfin quand je parle de mes jumelles et de RGO, de mes connaissances en tant qu’infirmière. Enfin, après 5 œsophagites, 1 malaise, 10 changements de lait, 3 traitements chacune. Enfin, après cette organisation de malade mental pour les repas, les couchers, les temps d’éveils douloureux sans compter les nombreux rendez-vous chaque semaine.
A 6 mois, nous arrivons enfin à soulager nos filles. Désespérément, je me rends compte que le traitement est indispensable mais surtout qu’on n’arrivera pas à les sevrer avant leurs 10 mois, et seulement d’un seul. Le mystère sera qu’on ne trouvera jamais la cause de ce reflux. La diversification n’y a rien changé, pire elle l’avait aggravé, venant contredire bon nombre de professionnels de la santé qui nous encourageaient et venait nous dire de dédramatiser.
Comment faire quand tu as deux bébés qui souffrent dont une qui peut faire des malaises à tout moment? Je tourne en rond à la recherche d’études: Est-ce que c’est parce que j’ai moi-même pris de l’inexium enceinte? Les incendies? Le stress? La gémellité? Les échographies abdominales ne révéleront aucune anomalie digestive chez nos filles. Mais aucun médecin n’a accepté de faire de ph-métrie ni de fibroscopie pour elles.

Aujourd’hui, elles ont un an et je peux dire que j’aurai passé une année entière à m’épuiser pour ce combat, m’épuiser à trouver la cause, m’épuiser à les soulager, les soigner avec cet acharnement de maman lionne. Nous nous sommes épuisés à tenter de les faire dormir, à tenter de s’accrocher à une courbe de poids, à se battre contre les ml de lait. Nous avons dû crier, s’énerver et contredire les gens. Puis accepter d’autres mains tendues plus bienveillantes. Accepter de l’aide. Mais je me suis oubliée. Le RGO m’aura coûté une tonne de stress qui s’est transformé en graisse, en une dépression postpartum et en isolement. Peu de gens ont compris l’année qu’on a vécu mais c’est aussi ce peu de gens qui m’auront sauvé la vie.
C’est épuisant des enfants malades et dont la maladie n’est toujours pas considérée comme une maladie chronique, pourtant le RGO de nos jumelles est toujours présent. Il n’est pas reconnu comme tel car on ne considère pas que cela puisse être handicapant, pourtant je ne me suis jamais senti autant exclue de la normalité que pendant ma maternité.
Meryl S.
Pour en savoir plus sur Meryl: @bonsoir_parents