Des jumeaux malgré mon endométriose
Je m’appelle Aurélie, j’ai 39 ans, en couple avec Alex depuis un peu plus de 8 ans. Je suis donc la belle-mère de sa fille, Daphné, qui a maintenant 13 ans et vit avec nous une semaine sur deux. Au départ Alex m’a clairement dit qu’il n’était pas sûre de vouloir d’autres enfants. Il avait trop peur d’une seconde séparation, d’une seconde garde alternée à gérer en parallèle de celle de sa fille. Et il avait un mauvais souvenir de la naissance de sa fille. Finalement, en novembre 2018, pour mes 35 ans, il me dit « Et si on faisait un bébé ? ». Alors on s’est lancé. Voici mon parcours, de la découverte de mon endométriose à la naissance de nos jumeaux

Projet bébé et découverte de mon endométriose
Dès mes premières règles, à 13 ans et demi, j’ai eu d’importantes douleurs pelviennes, au point de ne pas pouvoir aller en cours 2 à 3 jours à chaque cycle. J’avais alors mes règles tous les 15 jours pendant 7 jours et que j’avais des saignements très abondants.
Quand j’ai eu 15 ans, ma mère m’a emmenée voir sa gynécologue qui m’a prescrit une pilule. A l’époque, on ne parlait pas d’endométriose, donc on ne cherchait pas plus d’explications. La gynécologue nous a dit que ça arrivait souvent, surtout lors de la mise en place des cycles. Que la pilule aiderait à réguler tout ça.
Cela a été le cas. Et j’ai donc pris la pilule quasiment sans interruption entre 15 et 35 ans.
Lorsque nous décidons alors de nous lancer dans ce projet bébé, j’arrête ma pilule et je consulte mon gynécologue pour parler de ce projet. Par précaution, il me fait une échographie de l’utérus et me dit que tout va bien. Au regard de mon âge, il me dit que si dans un an je ne suis pas tombée enceinte, on refait le point.
Durant cette année, mes douleurs sont revenues. Au départ peu intenses, puis au fil des mois, de plus en plus importantes et de plus en plus longues. A cela s’ajoutent des saignements très abondants, un ventre gonflé (je découvrirai par la suite qu’on appelle ça l’endobelly) et une fatigue intense. Intense au point que je me retrouve en arrêt maladie chaque mois au moment de mes règles. Et toujours pas de bébé à l’horizon. A ce moment là ça ne m’inquiète pas trop. Je sais que ça peut prendre un peu de temps donc je ne me mets pas la pression. Mais quand même…
En novembre 2019, je retourne voir mon gynécologue. Je lui parle des mes douleurs, de mes saignements, des arrêts maladie. Il m’écoute attentivement et me dit qu’au regard de mon âge (encore cette question d’âge !!!) et des mes douleurs, il préfèrerait que je vois un de ses confrères, spécialisé en PMA, pour faire un point complet. Être sûr de ne pas rater quelque chose. Même si ça ne nous fait pas rêver, avec Alex nous en avions parlé. Nous savions que ça serait probablement ce qui nous attendait, donc je lui dit “Ok, donnez-moi un nom”! Il me conseille un confrère, me prescrit les premiers examens (échographie, comptage folliculaire, spermogramme pour monsieur) et me souhaite bonne chance.

Je contacte le secrétariat du médecin et nous voilà avec un rendez-vous en janvier 2020. On nous demande de nous y rendre avec les premiers résultats d’examens que mon gynécologue nous a prescrits.
Janvier 2020, nous voilà à ce premier rendez-vous. Ce gynécologue spécialiste en PMA, nous pose des tonnes de questions, à Alex comme à moi. Et il me pose des questions qu’aucun gynécologue ne m’a jamais posée. Suis-je sujette aux infections urinaires ? Non. Ai-je des problèmes de transit ? Diarrhées ? Constipation ? Les deux ? Et bien quand j’y pense, oui. Ce n’est pas terrible de ce côté-là et encore moins à l’approche de mes règles. Ai-je des douleurs pendant les rapports ? Et bien, oui… Ai-je des douleurs dans l’épaules droite ? Non. Ai-je de l’endobelly (ventre gonflé qui donne l’impression d’être enceinte de 5 mois) ? Oui, à chaque ovulation et crise de douleurs. Et suite à cet interrogatoire en règle, il me dit : “je pense que vous avez de l’endométriose”.
Un parcours bébé éprouvant
C’est un peu un coup de massue. J’en ai entendu parlé. Je travaille auprès de femmes et j’en accompagne qui en ont. Mais je n’ai jamais pensé que je pouvais en avoir. Le spécialiste me prescrit une prise de sang pour voir ma réserve ovarienne et un premier examen complémentaire à ceux déjà effectué : une hystérosalpingographie! Il me donne le nom d’un confrère pour cet examen super sympa qui consiste à introduire un liquide bleu dans mon utérus pour pourvoir voir l’état de mes trompes et mes ovaires. S’assurer que mes trompes de Fallope ne sont pas bouchées.
Je fais donc cette prise de sang et prend rendez-vous pour cet examen pas très agréable, je dois bien le dire ! Quand je ressors du centre de radiologie, pas besoin d’être médecin pour savoir que le résultat n’est pas bon. Je connais quand même un peu l’anatomie de la femme. Et sur la radio, on voit mon utérus mais absolument rien d’autre, l’image est toute noire… alors que le radiologue m’a fait me tourner dans tous les sens pendant l’examen. Je transmets ces résultats à mon spécialiste qui me rappelle dans la foulée et me donne un rendez-vous dans les jours qui suivent. Pendant quelques jours après cet examen, alors que je n’ai pas mes règles, j’ai d’importantes douleurs pelviennes… Ça m’a brassée !
Lors de l’entrevue, mon spécialiste m’explique que mon endométriose doit être importante pour que mes trompes soient bouchées à ce point. Que si nous voulons espérer une grossesse, il préconise une intervention chirurgicale par célioscopie, qui permettra de confirmer le diagnostic d’endométriose et de traiter les lésions. Comme les délais sont longs, il fixe l’opération, qui aura lieu en ambulatoire, en juillet 2020. En attendant, il me demande de faire une IRM avec un confrère radiologue spécialisé en endométriose pour avoir une meilleure vision des lésions pour l’intervention. Pour être un peu moins à l’aveugle ! Enfin, il nous dit quand même de ne pas perdre espoir. Que plein de femmes tombent enceintes avec de l’endométriose et qu’il faut donc qu’on continue d’essayer de faire un bébé.
Ça fait beaucoup à encaisser, surtout que mes douleurs sont de plus en plus intenses, durent de plus en plus longtemps, me fatiguent énormément et que ça n’aide pas pour faire des câlins ! Surtout que j’ai de grosses douleurs au moment de mon ovulation et pendant les rapports.
Les délais pour l’IRM sont aussi longs. Rendez-vous prévu fin avril 2020. Mais le COVID passe par là… Tout est à l’arrêt. Plus aucun rendez-vous possible. Le spécialiste est désolé, mais ce n’est pas considéré comme urgent donc on attend.
Et en attendant, j’ai vraiment de plus en plus mal. Mon cycle est resté régulier, 28 jours. Mais j’ai maintenant mal 4 à 5 jours avant mes règles, pendant toute la durée de mes règles, 7 jours dont 3 ou 4 durant lesquels je ne peux rien faire à part rester coucher avec ma bouillotte. Je suis donc en arrêt maladie systématiquement. Puis, j’ai encore mal 2 ou 3 jours après mes règles et 2 jours pendant mon ovulation. Au total, sur 28 jours j’ai mal entre 15 et 17 jours par cycle. A cela s’ajoutent cette fatigue chronique qui ne me quitte plus. Mes douleurs intestinales avec les problèmes de transit, l’endobelly et une sciatique chronique que je ne m’explique pas sont quasi omniprésentes. Je ne peux plus rien faire. Je prévois tout en fonction de mon cycle, c’est épuisant psychologiquement aussi.

Mon opération est prévue fin juillet. Elle est maintenue après que les premières restrictions COVID soient levées. Mon IRM est reprogrammée une semaine avant cette intervention. Encore un examen… qui va s’avérer moins sympa que je ne le pensais. Je dois faire des lavements avant et introduire du gel dans mon vagin et mon rectum pendant l’examen, tout ça avec mes règles. Une épreuve!
A la sortie, le radiologue me demande de l’attendre pour qu’il m’explique les résultats. Il voit beaucoup de lésions : de l’adénomyose (des lésions d’endométriose directement dans le muscle utérin), un nodule d’environ 5cm a l’arrière de l’utérus qui englobe mes trompes et mes ovaires, des atteintes sur les ligaments utérosacrés (je ne savais même pas qu’ils existaient !!!) qui touche mon nerf sciatique, sur le rectum, sur le torus (arrière du vagin). Il transmet tout de suite les résultats à mon spécialiste.
Je savais que j’avais très mal, mais je ne m’attendais pas à ça… encore une fois.
Mon spécialiste me rappelle à 22h le soir même, de la clinique où il est de garde à la maternité. Je peux vous dire que quand votre spécialiste vous téléphone à cette heure-là, à une semaine de votre intervention, vous savez que ça ne doit pas être terrible!!!! Il me dit que mes lésions sont très importantes, qu’on annule l’opération et qu’avant de la reprogrammer, il veut que je fasse un nouvel examen, une écho-endoscopie rectale (ça me fait à nouveau rêver!!!), avec un nouveau spécialiste. Nouveau coup de massue!!!! En parallèle je doit prendre rendez-vous avec sa collègue chirurgienne gastro-entérologue qui devra sûrement opérer avec lui.
Je prends donc rendez-vous. J’ apprend qu’il s’agit d’un examen sous anesthésie générale et que je dois à nouveau faire un lavement. Que du bonheur! Examen prévu pour mi août 2020.
Après cet examen, je rencontre la chirurgienne gastro-entérologue qui m’explique qu’elle va devoir réséquer une partie de mon rectum-sigmoïde mais qu’elle pourrait devoir réséquer plus car les imageries ne montrent souvent pas tout. Elle m’explique aussi qu’il est possible qu’elle doive me poser une stomie (une poche à l’extérieur de mon ventre dans laquelle se déverserait mes excréments). Poche que je devrais garder plusieurs semaines à plusieurs mois. Nouveau gros coup de massue !!!!
Ensuite je revois mon spécialiste qui m’explique que cette fois-ci, nous pouvons reprogrammer l’intervention. Elle sera sous hospitalisation de quelques jours et durera bien plus longtemps: 4h au lieu d’1h30 initialement. Nous fixons la date, mardi 6 octobre 2020.
Et en attendant, je suis toujours avec mes douleurs et ma fatigue… Et toujours pas de bébé.
Pendant une semaine avant l’intervention, je dois faire un régime sans résidu. Puis, 24h avant, une purge complète pour vider complètement mon tube digestif et permettre à la chirurgienne gastro-entéroloque d’intervenir plus facilement. Que des trucs trop sympas!!!!

Mardi 6 octobre 2020, 7h. Alex m’amène à la clinique. 7h30, je descends au bloc, les deux chirurgiens viennent me saluer, je suis stressée. 7h45, on m’endort. Je me réveille. Premier réflexe: je touche mon ventre, pas de stomie! Ouf!!!! Par contre je sens une sonde urinaire, je ne me souvenais pas que c’était prévu!? L’infirmière vient me voir, me demande si ça va. Je lui dis que oui mais que je ne veux pas ouvrir les yeux pour le moment. Je lui demande pour la sonde. Elle me dit que c’est normal après une intervention aussi longue et que ça ne fait pas mal quand on l’enlève, nouveau ouf! Et là je lui demande l’heure : 14h45. Je suis étonnée. C’est tard. Elle m’apprend que l’intervention a duré plus longtemps que prévu, 6h30 au bloc! On se croirait dans Grey’s Anatomy!!!
Quand je remonte en chambre, mon spécialiste vient me voir. Il me dit que l’intervention a permis de confirmer de façon certaine le diagnostic d’endométriose et d’adénomyose. Il m’apprend qu’au niveau intestinal, il n’y avait rien de plus qu’aux imageries. De plus, il y avait des atteintes urinaires alors que je n’avais aucun symptômes et rien sur les images. Au final, ils ont enlevé un gros nodule qui agglomérait l’arrière de mon utérus, mes trompes, mes ovaires et mon rectum-sigmoïde. Il ont réséqué 5cm de mon rectum-sigmoïde, réséqué mes deux ligaments utérosacrés dont celui de droite qui touchait mon nerf sciatique. Ils ont aussi enlevé des lésions sur mon torus et, enfin, enlevé un gros nodule sur mon uretère gauche (j’ai échappé de peu à la sonde JJ, ou!!!).
Mon spécialiste m’explique qu’on laisse tout ça au repos complet pendant 1 mois. Qu’ensuite on peut nous laisser quelques mois pour essayer de faire un bébé naturellement. Et que si cela ne fonctionne pas, il nous conseille de débuter un protocole FIV rapidement car les risques de récidives sont importants sans traitement hormonal.
Et finalement… nos jumeaux malgré l’endométriose
Après 5 jours d’hospitalisation, je rentre me reposer à la maison. J’ai de la chance, je récupère très bien. Mes règles reviennent, sans aucune douleurs. Je revis!!!
Après ma convalescence, on remet le couvert en espérant fort qu’on arrive à faire un bébé. La secrétaire de mon spécialiste nous fixe tout de même un rendez-vous pour février 2021. Un rendez-vous qu’on annulera si ça fonctionne naturellement. On croise les doigts pour l’annuler! Et pendant ce temps, plus de douleurs, un vrai bonheur!
Arrive le rendez-vous et toujours pas de grossesse, raté! On fixe donc le début du protocole FIV en mars 2021.
Je ne suis pas là, pour parler de la FIV, ni de la grossesse gémellaire, alors je vais juste dire que nous avons eu beaucoup de chance. Contre toutes attentes (mon spécialiste nous avait annoncé moins de 5% de chance de réussite), la FIV a fonctionné du premier coup.
C’est sûr, c’est une chance incroyable!
Le gynécologue prenait cette FIV comme un coup d’essai pour voir comment mon corps réagirait au traitement et pouvoir l’ajuster par la suite. Il nous a conseillés de transférer 2 embryons, alors qu’il ne voulait surtout pas de grossesse gémellaire estimée beaucoup plus à risque avec mon adenomyose. Juste pour augmenter les chances de 4 à 8% qu’un seul s’accroche, avec moins d’1% de risque de grossesse multiple! Il a été très surpris, comme Alex, quand à l’échographie on a vu qu’ils étaient 2!!!
Et oui! Les 2 petits embryons transférés, pour la blague le 1er Avril 2021, se sont accrochés tous les 2. Nous avons accueillis nos jumeaux mixtes le 22 novembre 2021.
Ne banalisez pas vos symptômes!
Retour de couche, retour des douleurs.
Avec le spécialiste, nous avons essayé une première pilule, Minidril en contin. Une catastrophe ! 35 jours de règles consécutives, avec des douleurs et deux bébés à s’occuper!!!! En juin 2022, on en essaie une autre, Sawis en continu. 7 jours de règles au début du traitement et depuis plus aucun saignement. Mais par moment des petites douleurs. Et puis un peu plus souvent au fil du temps. De douleurs pelviennes, le fameux endobelly qui revient, ma sciatique qui me gêne à nouveau.
En juin 2023, je fais une IRM de contrôle. Une petite récidive malgré le traitement, à l’arrière du vagin, du côté droit, là où ma sciatique me fait mal… Je revois mon spécialiste.
Malheureusement, je fais partie des 50% de patientes qui ont une récidive 3 ans après l’intervention. Le traitement fonctionne partiellement puisque je n’ai aucun saignement et seulement une à deux crises par mois. Elles durent environ 24h donc nous laissons le traitement en place et nous surveillons. Si j’ai plus de douleurs, ou plus souvent, si j’ai des saignements, je devrais le revoir. Envisager peut-être la ménopause artificielle, perspective qui ne m’enchante pas du tout!!! Et qui sait, peut-être qu’une nouvelle intervention sera nécessaire. J’espère que non.
Mon spécialiste a créé, avec ses collègues, une clinique de l’endométriose dans la clinique où il travaille. Il m’a donc orientée là-bas pour que je puisse être accompagnée au mieux, pour la gestion de mes douleurs et de toutes les gênes liées à l’endométriose.

Je dois dire que malgré cette maladie chronique invalidante, j’ai de la chance. Mon gynécologue, qui n’y connaissait rien, m’a tout de suite orientée vers un spécialiste. Celui-ci a posé le mot “endométriose” tout de suite et a tout fait pour confirmer le diagnostic. J’ai eu la chance de croiser les bons praticiens et d’être très bien accompagnée et de toujours l’être! Je sais que nombre de femmes atteintes d’endométriose mettent des années à être diagnostiquée.
Alors surtout, ne banalisons pas les douleurs. Ça peut être de l’endométriose ou autre chose mais ça n’est jamais normal. Si vous ne vous sentez pas écoutées, pas entendues, allez chercher un autre avis, trouvez le professionnel qui vous écoutera. Il existe aussi les associations ! Ne restez pas seule !
Aurélie B.
Pour en savoir plus sur le parcours d’Aurélie: @twins.adventure.dpemfamily